Adieu petits commerces

Michel Aznar Par Le 06/06/2014

Dans Société

Errant dans le charmant bourg de Josselin dans le Morbihan, nous voilà nez à nez devant la façade grise et monumentale d’une maison en granit dont la Bretagne est coutumière. A l’étage, les volets sont clos et au rez-de-chaussée, de lourds rideaux blancs habillent de grandes vitrines surmontées d’une enseigne défraîchie signifiant l’activité d’un ancien commerce « Café-Charcuterie » depuis lors définitivement fermé.

Le Tout-Cuit

Par la porte d’entrée vitrée et sale, on aperçoit encore le comptoir ; tout est resté en place, depuis le départ à la retraite de Mr et Mme Hillion : derniers artisans cafetiers-charcutiers de Josselin à exercer ce sacerdoce depuis plus de 70 ans, comme cela se faisait couramment dans ce pays où le cochon était roi.
Dans l’ancien atelier attenant au magasin et au bistrot, aujourd’hui fermés faute de repreneurs, se préparaient alors de vieilles recettes de charcuteries locales traditionnelles dont la plus réputée : « le tout cuit » enchantait  depuis fort longtemps des générations de gens du cru.

 

Tendons l'oreille et l'imagination

Cette recette qui se mangeait en général avec une potée, cuisait tous les morceaux du cochon dans un bouillon agrémenté d’oignons et d’un bouquet garni. Ce plat était vendu chaud tous les jeudis à midi et les clients, attirés par l’odeur et l’habitude se bousculaient ce jour là et venaient de loin pour l’acheter.
D’ailleurs, en tendant bien l’oreille et avec un peu d’imagination, on perçoit toujours le brouhaha des voix et des rires, ponctués du tintement des verres et des bouteilles s’entrechoquant  au milieu de l’intense activité qui régnait dans ce lieu.
Depuis, le joli bourg de Josselin a perdu un peu de son âme et de son charme en fermant un de ses derniers commerces artisanaux.

Un musée à ciel ouvert

La faute à qui ? ce savoir-faire perdu, cette maison vide, ce quartier quasi abandonné en plein centre de la petite cité touristique qui tend à devenir comme tant d’autres en France un beau musée à ciel ouvert, sans vie aucune et dans lequel errent comme nous quelques touristes en quête de lieux de rencontre et de convivialité.
Il ne nous restera bientôt plus que la triste « convivialité » des rayons des supermarchés étalant leur gamme de produits industriels plus insipides et trafiqués les uns que les autres et à des prix prohibitifs, compte-tenu de leur contenu.

Lieux de vies sacrifiés

Les normes Européennes sont passées par là, laissant sur le carreau de nombreux petits commerces qui vivaient bien de leurs activités mais qui n’ont pas trouvé repreneurs faute aux investissements beaucoup trop lourds imposées par des normes aberrantes de la législation mise en place par des technocrates et des bureaucrates qui n’ont jamais rien compris à la vie.
Tous ces lieux de vies sacrifiés sur l’autel de la modernité, de l’hygiène et de la conformité aux noms desquels on se permet de nous faire « bouffer » des denrées « dégueulasses » mais aseptisées !

Perte du bon goût

Toutes ces mises en conformité sont des entraves à la liberté d’entreprendre et de perpétuer les savoir-faire. Elles sont surtout une façon de nous amalgamer tous dans le même moule pour nous faire manger pareil, vivre pareil, voir, entendre, lire et surtout penser pareil, c'est-à-dire ne plus penser du tout par nous mêmes et perdre notre sens de l’analyse, de la critique et du bon goût.

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